https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/les-fonctionnaires-editaient-de-fausses-cartes-grises-04-09-2014-4108335.php
Les fonctionnaires éditaient de fausses cartes grises
Trois anciens agents de la sous-préfecture sont jugés à Nanterre pour avoir permis l'immatriculation illégale de voitures de luxe importées.
Impliqués dans un vaste trafic de voitures, trois anciens agents de la sous-préfecture de Boulogne-Billancourt comparaissent depuis le début de semaine devant la 15 e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre. Loïc, ancien chef du service des cartes grises, une employée au sein de ce même service, ainsi que David, alors caissier de la régie de la sous-préfecture, sont jugés aux côtés de garagistes et autres intermédiaires, pour avoir délivré des certificats d'immatriculation destinés à des voitures de luxe importées de l'étranger, non conformes aux normes françaises.
L'arnaque est colossale puisqu'elle porte sur 533 véhicules. Des Jaguar, Porsche, 4 x 4 Hummer, Dodge, etc., dont 428 ont obtenu une carte grise via la sous-préfecture de Boulogne, avec des dossiers bidouillés ou incomplets. L'escroquerie consiste, pour les vendeurs de voiture de luxe importées, à contourner les procédures de vérification, homologation et mise en conformité des véhicules, pour ne pas en payer le coût -- lequel peut atteindre 10 000 â?¬ pour un gros 4 x 4 américain.
Mais sans la complicité d'employés dans les services de cartes grises, « rien n'est possible », comme le relevait la présidente de la 15 e chambre, Isabelle Prévost-Desprez, en interrogeant David à l'audience. « Je sais », concède le prévenu à la barre, s'efforçant de répéter ensuite que Tabla, l'intermédiaire qui apportait les dossiers falsifiés pour le compte des garagistes, était juste « un ami ». « Un ami très proche, un pote », insiste le prévenu, avec la mine de celui qui ne comprend pas ce qu'il fait à la barre. « Vous comprenez bien qu'il ne venait pas pour vos beaux yeux, votre ami, le tacle Isabelle Prévost-Desprez. Il vous donnait combien pour que vous fermiez les yeux ? » « Ben, il m'a donné des baskets, elles étaient trop petites pour lui », répond benoîtement le prévenu, niant avoir touché 250 ou 300 â?¬ par carte grise.
Au cÅ?ur du système, le chef du service des cartes grises
Comme ses collègues, David avait été arrêté en septembre 2012 lors d'un coup de filet de l'Office central de lutte contre le crime organisé (Oclco) qui enquêtait sur ce trafic depuis un an, avec le groupement d'intervention régional (GIR).
Les investigations avaient démarré un an plus tôt grâce à un « tuyau » concernant deux garagistes douteux -- dont l'un se révélera la tête de réseau -- en cheville avec la sous-préfecture de Boulogne. Au cÅ?ur du système, le chef du service des cartes grises a été interrogé à son tour hier à la barre. Lui aussi martèle qu'il a agi sans contrepartie et se présente comme une victime de l'intermédiaire. « Vous avez bien accepté du parfum, un casque ? » insiste la présidente. « Je n'ai pas eu le temps de faire ouf. Il est entré dans mon bureau et a posé le parfum, c'était sa façon de faire. Il a dû sentir qu'on était des proies faciles. »
L'intermédiaire a le dos large, mais Loïc ne peut décemment pas se décharger sur lui pour justifier les dizaines de dossiers qu'il a cachés ou fait disparaître. C'est lui qui a saisi ou validé la quasi-totalité des 428 irréguliers de la sous-préfecture de Boulogne. Ce quinquagénaire muté depuis à la préfecture de Nanterre se borne à exposer qu'il était dépressif. Le procès pour « escroquerie en bande organisée », « blanchiment » et « abus de biens sociaux » pour certains des 19 prévenus se poursuit jusqu'au milieu de la semaine prochaine.